Violences sexuelles dans les grandes écoles : une culture masculiniste sexiste vulnérabilisant les femmes
En octobre, la publication d’une enquête par l’association étudiante Capèse, révèle l’importance des violences sexuelles au sein de l’école CentraleSupélec. Romain Soubeyran, le directeur de l’école a signalé au parquet d’Evry ce qui s’apparente à un véritable réseau de mise en danger des femmes au sein du campus de Gif-sur-Yvette. Retour sur cette affaire qui illustre le caractère systémique des violences sexuelles dans le milieu universitaire
Une affaire exemplaire : des femmes en danger au sein des universités, écoles et IEP
L’enquête s’appuie sur un large échantillon représentatif de 659 étudiant.e.s. 28 personnes déclarent avoir été victimes d’un viol (20 femmes et 8 hommes), 71 d’agressions sexuelles (51 femmes et 23 hommes), 74 d’harcèlement sexuel (46 femmes et 25 hommes) et 135 de propos sexistes sur la seule année 2020-2021. Ces chiffres illustrent la surreprésentation des femmes victimes de violences alors même qu’elles ne représentent que 19% du corps étudiant. Dans la grande majorité des cas, les faits se déroulent au sein de la résidence universitaire, dans des soirées étudiantes ou dans des réunions associatives : à chaque fois, la responsabilité de l’école est donc engagée.
« Les faits sont totalement inacceptables. Le choc est immense », affirme le directeur, qui a lui-même demandé à l’association de conduire cette enquête afin de poser des chiffres sur le phénomène. Pour autant, les faits n’ont rien d’original. En France, 1 étudiante sur 10 est victime d’agressions sexuelles et 1 sur 20 de viols, selon l’enquête conduite en 2019 par l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur. En effet, depuis la libération de la parole consécutive au mouvement #Metoo les témoignages affluent de la part des victimes ; après le monde professionnel et la société civile, il atteint les grandes écoles telles que Saint-Cyr, les IEP, les écoles de commerce (HEC, ESSEC , EDEC) et maintenant les écoles d’ingénieurs à l’image de CentraleSupélec.
Une « tradition des violences sexuelles » : les conséquences d’une culture viriliste au sein de ces institutions
Ces grandes écoles sont des espaces de promotion d’une culture viriliste et sexiste dangereuse à l’égard des femmes. Nous pouvons ici reprendre les analyses du sociologue Marwan Mohammed travaillant à la sociologie des bandes de jeunes pour saisir les cultures à l’œuvre dans ces milieux. En effet, dans ces grandes écoles, des bandes matérialisées par les associations étudiantes animant la vie sociale dans les campus promeuvent un système normatif viriliste. Ces associations incluent de grandes offres matérielles pour leurs membres: inclusion dans des réseaux, bénéfices professionnels pour la carrière à venir… Mais ces avantages ne s’acquièrent qu’à la condition de répondre à la construction identitaire mise en avant : la culture de la virilité, de l’élitisme, du sentiment d’impunité corrélé à la recherche du pouvoir et une domination sur les autres. En miroir, les femmes sont délégitimées, exclues de la pyramide sociale intérieure à l’école et objectivées à l’image des soirées à HEC ou à l’ESSEC où elles sont encouragées à consommer des substances psychoactives favorisant les comportements à risque durant plusieurs heures avant l’arrivée des hommes.
Ainsi, alors même que ces grandes écoles forment les futurs patrons des grandes entreprises et les futures élites intellectuelles et politiques, elles reposent sur des systèmes de pensées sexistes et violents qui se répercuteront inévitablement dans les milieux professionnels de demain.
L’impossible dénonciation : la culture du silence
L’ensemble des victimes ayant répondues à l’enquête Capèse l’ont fait anonymement, empêchant alors les poursuites juridiques. Les raisons de ce silence sont multiples, beaucoup pensent que cela ne servira à rien de parler, que les plaintes ne seront pas prises en compte et que leurs établissements ne poseront pas de mesures disciplinaires strictes. A cela s’ajoute la peur du stigma, de l’exclusion de l’espace social interne à l’école et la peur de la destruction de la future carrière de l’agresseur.
Pourtant, depuis 2018, le Ministère de l’Enseignement Supérieur a contraint les écoles et universités à mettre en place des cellules d’écoute de la parole des victimes. Néanmoins, le caractère internalisé de ces dispositifs ne permet pas la libération de la parole. En d’autres termes, il s’agit d’une inversion de la culpabilité détruisant par la même occasion les capacités de la victime à se soigner du traumatisme subi.
Nous appelons donc à un renforcement de la vigilance, de la communication et de l’accompagnement des victimes au sein des milieux étudiants. Il est plus que nécessaire d’agir de façon ciblée, de reconnaître les cultures élitistes, virilistes, sexistes et dangereuses à l’œuvre dans ces grandes écoles afin de prévenir la pérennisation de la normalisation de ces comportements dans le monde professionnel de demain.
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